Madame, Monsieur,
Cher(e) Collègue américain(e),

Depuis La Fayette jusqu'aux soldats américains qui débarquèrent le 6 juin 1944 sur les plages de Normandie, nos deux nations sont liées par des liens si forts qu'ils permettent la franchise. La franchise dûe à ceux que l'on aime parce qu'ils ont versé leur sang pour notre liberté.

Alors c'est en toute franchise que nous vous disons que le maintien de la peine de mort dans votre pays heurte profondément l'amitié que nous lui portons et que si les américains doivent comprendre que la peine de mort n'est plus tolérable, c'est à vous, comme responsables politiques, de les aider à le comprendre.
A comprendre qu'il est indigne pour les Etats Unis d'être le dernier pays occidental à appliquer la peine de mort, alors que tous les Etats respectueux des droits de l'homme ont banni ce châtiment.
A comprendre qu'il y a une contradiction insupportable à pratiquer la peine de mort et, en même temps, à s'ériger en protecteur des droits de l'homme dans le monde entier.

Partout la peine de mort est inhumaine : le respect de la vie est une valeur universelle.
Partout la peine de mort est inefficace : toutes les études montrent qu'elle n'a aucun effet dissuasif.
Mais, dans votre pays, la peine de mort, de surcroît, pèse plus lourdement sur certaines catégories. Les statistiques prouvent en effet qu'un noir est plus exposé qu'un blanc à la condamnation à mort et que la capacité pour l'accusé de pouvoir s'offrir une bonne défense influe aussi sur la peine prononcée.

Vous êtes le représentant d'un pays que certains présentent volontiers comme la plus grande démocratie du monde.
Mais vous ne serez jamais l'élu d'une démocratie exemplaire tant que la peine de mort y subsistera.

En effet, comment les Etats-Unis, votre pays si développé, peuvent-ils pratiquer encore la loi primitive du talion ?
Votre société ne sanctionne pas le voleur en le volant. Elle ne punit pas le violeur en le violant. Pourquoi devrait-elle châtier le tueur en le tuant ?

Enfin et surtout, pensez à l'erreur judiciaire, toujours réparable sauf si le condamné a été exécuté.
Nombreuses ont été les erreurs tragiques dans l'histoire de toutes les justices du monde. Et vous savez aussi que ces erreurs se multiplient aux Etats-Unis depuis quelques années. Au point que le gouverneur républicain de l'Illinois, pourtant partisan de la peine capitale, a été amené récemment à suspendre les exécutions après avoir été "troublé" par plusieurs erreurs judiciaires.

Depuis plus de deux siècles, la France et les Etats-Unis ont en partage le même amour de la liberté.
Pourquoi ne partageraient-ils pas aussi, à l'aube de ce nouveau siècle, le même respect de la vie humaine ?

Tel est notre espoir le plus cordial.

Nous vous prions d'agréer, Madame, Monsieur, Chèr(e) Collègue américain(e), nos salutations distinguées.